Avec son nouveau spectacle d’ombres portées, la marionnettiste Habiba Jendoubi quitte les sentiers battus pour s’aventurer dans un chemin de traverse risqué certes mais combien passionnant. Présenté à la Maison de la culture Ibn-Rachiq dans le cadre de la 25e édition des Journées théâtrales de Carthage, «Atyef» a agréablement surpris les spectateurs venus découvrir une forme de représentation.
«Atyef», la nouvelle création de Habiba Jendoubi, raconte l’histoire émouvante de deux soeurs princesses vivant ensemble dans un palais. L’une d’entre elles, la plus jeune, tombe malade. Elle ne pourra guérir que si sa sœur sacrifie sa beauté. L’ainée accepte de perdre sa beauté et devient ainsi laide. Un jour, les deux jeunes femmes tombent amoureuses du même jeune homme peintre, qui préfère la jeune, plus belle. Cette dernière est conquise par le peintre et oublie le sacrifice de son aînée. Cette dernière décide alors de se venger en soumettant le jeune homme à un défi (presque) impossible à réaliser tandis que le royaume souffre de sécheresse. Ce conte, écrit avec beaucoup de poésie, aborde des sentiments complexes où se mêlent amours, ingratitude, trahison, vengeance, et pardon. «Atyef», spectacle en ombres portées, reproduit l’ambiance cinématographique et se déploie comme un fil avec des personnages, une dramaturgie, des rebondissements et un dénouement plongeant le public dans une forme tout à fait atypique. Dans un clair-obscur impressionnant, le spectacle se présente comme un voyage dans un univers de conte de fée. Accompagnant les mouvements précis des interprètes qui les portent, les protagonistes narrent une histoire comme il en existe beaucoup en littérature, au cinéma et au théâtre, mais rarement dans le domaine de la marionnette. Avec un désir de découverte d’autres disciplines artistiques donnant de la sorte un rendez-vous exaltant au public, Habiba Jendoubi a l’audace d’explorer des approches inédites. C’est à une réflexion sur la quête identitaire, la construction de soi, les destins qui basculent, la fragilité des êtres et le sacrifice de certains d’entre eux que sonde l’œuvre avec la profondeur des ombres portées en se servant de références aussi bien liées au, cinéma qu’à la littérature, aux arts plastiques et à la musique. Celle-ci, mélancolique à souhait, accompagne le récit. Le choix du dispositif scénique est important dans la mesure où il repose sur un écran géant derrière lequel les marionnettes et les paysages sont portés et animés par d’excellents comédiens manipulateurs : Fethi Dhibi, Jamila Kamara, Ons Gannoun. Islem Ben Salem, Karama Chibani, Firas Mosbahi et Ahmed Kmaira, Seules apparaissent leurs silhouettes et les images, projetées en ombres chinoises pour une sensation d’immersion totale pouvant transporter le public au cœur d’une épopée visuelle.